Le clocher de La Giettaz date de 1846, année de reconstruction de l’église ; sa flèche, plus récente a été érigée en un temps record. Commencée le 21 mai 1852, sur la demande du curé Sérasset, elle a été achevée le 6 juillet de la même année. Les plans avait été fournis par l’abbé Rouge, curé de Saint Sigismond sur Cluses. Parmi les charpentiers, on notait la présence de Jean-François DESARNAUD de Samoëns, Pierre BIBOLLET CROSET, Pierre PORRET fis de Jean du Forston et Jean-Baptiste POENSET, tous trois de La Giettaz. Le ferblantier-couvreur était Joseph TAMPION d’Albertville. La galerie a été réalisée par Claude Marie GENIX de La Giettaz. Les paroissiens ont donné de nombreuses journées, soit pour équarrir les bois, soit pour monter l’ossature.

Pendant plus d’un quart de siècle, le clocher comme l’église étaient restés dans un état vétuste. II est vrai que l’édifice avait été plongé, soixante ans plus tôt, dans la tourmente révolutionnaire et qu’à la sortie de cette période difficile, les Giettois n’avaient pas trouver les moyens d’y remédier. Il avait fallu attendre l’arrivée du curé SERASSET, avec toute l’énergie qu’on lui connaît, pour effacer à jamais les traces douloureuses de cette révolution.

Mais qu’avait donc dû subir notre clocher à la fin du XVIIIème siècle ?

La Convention Nationale avait décrété en octobre 1793 qu’il ne serait laissé qu’une seule cloche dans chaque paroisse ; que toutes les autres seraient envoyées aux fonderies les plus voisines pour y être transformées en canon. Ainsi, on fit descendre deux cloches, l’une de 500 livres, l’autres de 231 livres. Cassées pour en faciliter le transport, elles furent acheminées jusqu’à Sallanches par 5 Giettois réquisitionnés avec leurs juments.

Peu de temps après, dans son décret du 7 pluviose an II (26 janvier 1794), Albitte prenaient des mesures encore plus sévères vis à vis des églises et exigeait notamment que les clochers soient démolis. Quelques notes laissées par Blaise MARIN-CUDRAZ, un témoin giettois de l’époque, nous permettent de mieux comprendre ce que notre clocher à subi : « La municipalité assembla tous les chefs de familles, mais ce fut inutile parce tous ne s’étaient pas rendus. On envoya donc des pedons (courrier à pied, ancêtre du facteur) par toute la paroisse pour les convoquer à une assemblée, le jour suivant, avec la punition pour ceux qui ne s y rendraient pas. Le jour de cette assemblée, on commença à percer la flèche du clocher, mais le mauvais temps et l’opposition de certains firent qu’on différa encore quelques jours ». Le 11 février 1794, la municipalité se justifiait auprès des autorités : « Il n’est pas possible de démolir le clocher en égard à la quantité de neige qui se trouve sur les couverts… On ne peut procéder à la démolition sans exposer la vie des ouvriers ».

La corvée a été reportée au 3 mars ; elle est notifiée dans le compte-rendu du conseil municipal du 22 ventose an II (12 mars 1794) : « La municipalité a fait abattre le clocher à sa sommité, de la longueur de 2 toises, après avoir enlevé la croix et le coq, et a fait couvrir le restant pour empêcher la dégradation totale du bâtiment ».

On ignore si l’église construite en 1390 possédait un clocher ou si celui-ci fut construit plus tardivement. On ignore aussi si le premier clocher ressemblait à celui que nous connaissons aujourd’hui. Ce qui est sûr, puisque nous l’avons découvert dans les archives de « l’Académie Salésienne » à Annecy, c’est qu’en 1670, notre clocher était en mauvais état et qu’il nécessitait de sérieuses réparations.

La restauration de 1670

Ainsi, le 27 juillet 1670, l’abbé Claude GIGUET (curé de La Giettaz de 1649 à 1678) s’est présenté devant Me JOLY notaire, accompagné du syndic François GIGUET-QUEBLET, des conseillers de la paroisse François GERFAUD-VALENTIN, Pierre VISIN-JULLIANT Pierre POENSET FREQUEYRET, Claude Anthoine GIGUET, des deux procureurs de l’église : Michel PERINARD et François GIROD BESSON, ainsi, que de 69 autres hommes, tous paroissiens, communiers et contribuables de La Giettaz.

« Ils baillent à tâche et prixfait à Anthoine BOCHEX, maître charpentier dit lieu, à Guillaume MORET et à Jacques JOGUET, maître charpentier et maçon de Flumet et à François GARDET, maître charpentier de Notre-Dame de Bellecombe », les travaux du clocher qui consistent à :

  • « Desmouillier » (sans doute découvrir) tout le couvert du clocher
  • lever la muraille de la tour, de 20 pieds,
  • faire quatre fenêtres doubles, avec des portes pour pouvoir les fermer en cas d’orage,
  • murer la porte qui est dans la tour, « du costé damoz » (du côté d’en haut)
  • faire le « baffrayd » (beffroi) pour porter les cloches et « sommery » (partie supérieure) du dit clocher.
  • la « dagnie » ou « esgullie » (flèche ou aiguille) du clocher doit avoir une longueur de 9 toises et demi. Il est spécifié que les « communiers » (habitants) doivent fournir la pierre à chaux, le sable et le bois nécessaires, ainsi que tout le fer blanc, « clavins », clous, « croches », clés et étain de soudure. Les travaux doivent être exécutés avant Toussaint 1671, pour une somme de 768 florins 24 sols, payables en 4 termes.

La restauration de 1774

En consultant le « Livre des Bénéfices », conservé dans les archives de l’Académie Salésienne à Annecy, nous avons constaté que notre clocher avait également été restauré au XVIIIème siècle. L’abbé COLLOUD (curé de La Giettaz de 1767 à 1795) qui est l’auteur de ce « Livre des Bénéfices », destinait cet ouvrage à ses successeurs. Sa page de garde l’indique : « Recueil ou mémoires propres à mettre au fait de tout ce qui concerne le Bénéfice (la paroisse), dressé par Rd Joseph COLLOUD, curé, en faveur de ses successeurs, afin qu’ils ne se trouvent pas dans les mêmes embarras que lui ».

Ainsi, il note : « En 1774, j’entrepris de faire couvrir à fer blanc, en écail, les plats-toits et la flèche du clocher. En trois mois l’ouvrage fut fait. Chaque faisant feu (ou habitant) a fourni trois planches et dix sols au voiturier du fer blanc (pour le transport) de Bonneville jusqu’ici. L’on employa 19 barils de fer blanc qui, à raison de 105 livres chacun, reviennent à la somme de 2000 moins 5 livres… Je fis faire, pour donner plus d’espace, le cordon à talon renversé sur la tour, et le fis vernisser à mes frais par le Sieur PALET de Sallanches ; celui-ci répara, en même temps, l’oratoire situé au-dessus dit village qui tombait en ruines (sans doute l’oratoire de Chouvis). Il m’en coûta 30 livres. »

En notifiant les différents travaux entrepris dans sa paroisse, notamment au clocher. le pauvre curé ne pouvait pas passer sous silence le fâcheux accident survenu lors de sa restauration : « On eut le malheur de perdre Nicolas JOGUET-RECORDON qui était allé poser des parefeuilles à la fèche… Précipité en bas dit clocher, il n’eut que le temps de se confesser et recevoir l’extrême-onction ».

Comme on peut le constater, c’est un clocher presque neuf qui fut partiellement détruit en 1794, au moment de la révolution.

Histoire de cloches

Notre clocher comporte actuellement trois cloches qui rythment du mieux qu’elles peuvent, le temps et la vie des habitants, partageant leurs peines et leurs joies.

  • « Marie » (Ré #) : C’est la plus grosse. Elle pèse 1250 kg. Elle a été mise en place peu de temps après la construction du clocher et porte l’inscription suivante

« Je m’appelle Marie… Marie conçue sans péché priez pour nous qui avons recours à vous. St Pierre notre Patron, intercédez pour nous. Parrain : Claude François Sérasset, curé. Marraine : Suzanne Giguet-Jaillet veuve Joguet Recordon – Jean-Marie Ouvrier, syndic. Faite à Annecy-le Vieux par les frères Paccard en 1858 ».

36 ans plus tard, deux cloches ont été ajoutées à l’initiative du curé Brand

  • « Elizabeth » (Sol #), la plus petite, pèse 530 kg et indique :

« Fondue en 1894 par les offrandes des habitants et des prêtres natifs de La Giettaz, paroisse de St Pierre ès Liens, je reçus le nom d’Elizabeth. Parrain : Pierre Marie Poëncet de Critin, marraine : sa soeur Marie Marguerite. Jean-Pierre Brand curé, Alexis Coutin vicaire, Jean-Marie Porret maire. Laudate Dominaim Omnes Gentes : Adorez Dieu et priez. Seigneur préservez-nous des malheurs ».

  • « Anne » (Fa #), la deuxième, de 760 kg, a été réalisée avec les restes d’une vielle cloche épargnée par la révolution. L’inscription en témoigne :

« Cassée, je fois refondue en 1894 sous le nom d’Anne… Parrain : Jean-Marie Porret, marraine : sa femme Dorothée Bibollet-Crozet. » Sur l’autre face, on a volontairement noté l’inscription de la précédente cloche : « Sit Nomen Domini Benedictum Ste Petre ora pro nobis – J. Colloud curé. Peuples venez pour prier nuit et jour où, pour l’amour de nous, Jésus fait son séjour. Sieur Pierre-Henri Bouchex, habitant Paris, avec ceux de ce lieu m’ont faite. Parrain : Pierre Joguet, marraine : Jeanne Bibollet – C. Richard. 1780 »

A la révolution, alors que les cloches étaient réquisitionnées pour en faire des canons, on a pu, à La Giettaz, en épargner deux- : L’une fut cachée dans le champ de « l’Abbaye » par les habitants pour la soustraire à la saisie, l’autre, plus petite, fut tolérée par l’administration et conservée au clocher pour les appels du conseil municipal et pour sonner le tocsin. Si la première a été refondue en 1894, comme indiqué ci-dessus, la seconde de 350 kg, fêlée, a été vendue en 1957 à la Maison Paccard pour contribuer au financement de l’électrification des cloches.

Il restait donc, depuis cette date, une place au clocher pour l’installation d’une quatrième cloche. Suite à la proposition intéressante de la Maison Paccard, qui suggérait la mise en place d’une cloche pour l’an 2000, la municipalité a décidé de faire le pas et a lancé une souscription à laquelle chacun peut encore adhérer aujourd’hui.

Coulée le 21 octobre à la Fonderie Paccard de Sévrier, cette cloche du Millénaire qui pèse 380 kg a été exposée dans notre église dès le 29 octobre. Elle a été bénie le dimanche 14 novembre au cours de la messe par l’abbé Jean Duval, curé de la paroisse, et installée au clocher dès le 15 novembre.

Voici son inscription :

« Je m’appelle AURORE. Mes parrains et marraines sont des généreux donateurs. Je suis née 2000 ans après Jésus-Christ et je sonne pour témoigner de ce que vous faites de votre temps. 1er janvier 2000 ».

« Aurore » sonnera à partir du ler janvier 2000, saluant de sa voix claire le troisième millénaire. En donnant le La #, elle vibrera aux côtés de ses trois grandes soeurs, complétant harmonieusement leurs sons respectifs et permettant ainsi de sonner des carillons plus festifs et variés.