Un brillant professeur, le Révérend Claude Vittoz

En 1739, un brillant professeur surdoué pour les études, préféra quitter l’enseignement pour retrouver ses montagnes des Aravis. Il s’agit du Révérend Claude Vittoz.

Né à La Clusaz le 29 octobre 1695, il fait ses études au collège de Thônes, puis au collège Chapuidieu à Annecy. Ordonné prêtre le 8 mars 1721 par Mgr Romillin de Bernex, il est nommé vicaire à Alby, puis il enseigne les Humanités pendant 10 ans à Annecy. Lorsqu’il sollicite le poste de La Giettaz, on lui fit remarquer que ses talents lui donnaient lieu de prétendre à un poste plus distingué. L’amour de la retraite et du peuple des montagnes l’emporta dans le coeur de M. Vittoz.

Il prend possession de l’église le 8 mars 1739. C’est à La Giettaz qu’il passe le reste de ses jours, occupé surtout à étudier l’Ecriture Sainte. Cette connaissance de la Bible lui permet d’imprimer un catéchisme. Les feuillets qu’il nous reste permettent de penser qu’il fut un précurseur.

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Trois ans après son arrivée, les troupes espagnoles envahissent la Savoie. Les troupes d’occupation sont à charge des communes. Les impôts sont si élevés que plusieurs Giettois doivent abandonner leurs biens au Fisc. M. Vittoz s’impose les plus grands sacrifices pour les aider de sa bourse.

Il construit, à ses frais, le pont en aval du village sur lequel il inscrit en latin : « Ce n’est par aucun sentiment de vaine gloire mais dans le seul intérêt public que j’ai construit ce pont ; Seigneur, souvenez-vous de moi ». Cette inscription se trouve actuellement recouverte de terre.

Chaque année, il se rend à pied de La Giettaz à Genève où il passe des journées entières à prendre des notes dans la bibliothèque publique et à conférer avec les ministres genevois qui sont surpris de tant de science dans un curé de montagne. Pour inspirer à ses ouailles le goût de l’oraison, il compose un livre de prières qu’il distribue à chaque famille. Il dédie ce libre à Charles-Emmanuel III, roi de Sardaigne, qui lui donne une approbation flatteuse.

Il conserve toute sa vie un goût particulier pour l’enseignement de la jeunesse. Grillet, dans son dictionnaire du Mont-Blanc, dit : « Un Saillet de Sallanches, célèbre avocat de Chambéry, Socquet professeur dans cette même ville, firent leurs études à La Giettaz, sous la direction de M. Vittoz qui avait formé un petit pensionnat et une école dans sa cure. Le général Dessaix, de Thonon, gouverneur de Berlin sous Napoléon, fut élevé à la cure de La Giettaz. On trouva dans ses papiers une lettre dans laquelle M. Vittoz disait aux parents que leur enfant était très dissipé et qu’il ne ferait jamais qu’un bon militaire. »

Le 26 juillet 1765, jour de Ste Anne, revenant de La Clusaz par le col, M. Vittoz est chargé par un taureau en furie. Il promet de rebâtir la chapelle qui tombe en ruine s’il échappe à ce péril. Les chiens des bergers parviennent alors à arrêter l’animal. M. Vittoz tient sa promesse et la reconstruction est déjà fort avancée lors de la visite pastorale de Mgr Biord à La Giettaz en 1766. C’est peut-être à la suite de cet incident que Ste Anne est appelée « Patronne des Voyageurs ».

Le 6 octobre 1767, le Curé Vittoz tombe malade. Il règle ses affaires temporelles. Son testament est un monument de charité. Une partie de sa bibliothèque est léguée à l’Abbaye de Tamié, l’autre à la Ville d’Annecy. Il prescrit de vendre aux enchères ses meubles, pour en donner le prix aux pauvres de La Giettaz. A son lit de mort, assisté de son vicaire Nicolas Ouvrier natif de La Giettaz, il se fait lire des passages de l’Ecriture Sainte.

Mort le 15 octobre 1767, il est sépulturé, selon son désir, dans le cimetière paroissial. A l’époque, le presbytère était attenant à la Confrérie. Le presbytère actuel a été acheté par Rd Claude Vittoz en 1753. Cette maison était une ferme en mauvaise état, où déjà un terrain avait été donné pour la construction de l’église et le cimetière en 1390. Le terrain de cette ferme, correspond exactement à celui de l’ancienne ferme Communale. Elle comprenait, en outre, une parcelle de bois au bord su ruisseau et un prémarais dans le quartier des Mouilles, où l’on pouvait faire 34 fagots de foin.

De plus, faisait aussi partie du lot : un grenier, la moitié d’un petit four, la moitié d’un grand four et une tour qui ne rapporte rien, durant la vie de Marguerite Delzève. Déjà, en 1700 Rd Jacques Porret, originaire et Curé de La Giettaz de 1685 à 1723, avait acheté une maison et un jardin, pour loger le vicaire. Ce dernier était chargé de tenir les écoles. L’enseignement catholique, s’est donc pratiqué au vicariat, jusqu’à la construction de l’école actuelle.

Le Révérend Joseph Colloud

Le 20 novembre 1767, Rd Joseph Colloud est agréé pour le bénéfice Cure de La Giettaz. II s’installe, dans la maison délabrée, achetée par son prédécesseur.

Né à Reyvroz en 1730, Rd Joseph Colloud s’installe donc, dans cette vieille maison, située à l’ouest de l’actuel « Muguet ».

Bien vite, il se heurte à ses paroissiens qui refusent de participer aux nécessaires réparations, prétextant que le Curé Vittoz n’était pas aussi exigeant, qu’il avait institué héritiers ses successeurs et qu’il fallait aliéner les bâtiments à charge et inutile au bénéfice ; pour avoir de quoi réparer le stricte nécessaire.

Ainsi écrit le Curé Colloud : « Pour éviter tout procès, je me pourvu au Sénat pour prendre un acte d’état, après lequel, je me détermina à rebâtir de mes épargnes de vicaire cette maison comme étant la plus proche de l’église. »

Quant à l’état du revenu, et de ce qui était dû à M. le Curé Vittoz, d’après l’aveu de M. Crottet, curé de Saint Nicolas et adjoint de l’archiprêtre, qui assista le Curé Vittoz dans sa maladie, le livre des comptes fut égaré, ou plutôt enlevé avant sa mort, sans que depuis on n’ait jamais pu en découvrir le voleur.

Cependant, le Curé Colloud parvient à vendre en 1770 la vieille cure aux confrères du Saint Nom de Jésus, ainsi que la grange et le vieux grenier. II put ainsi prélever une partie du prix, pour parer à ses dépenses relatives aux réparations du nouveau presbytère.

En rentrant dans ce bénéfice, M. le Curé Colloud trouvera un marguiller établis, mais point de clerc. Alertés, les syndics et conseillers refusèrent ce nouvel impôt sur la paroisse. Devant ce refus, il prit des pensionnaires étudiants qui devaient servir la messe. Cette solution n’a pas durer, et il parvint que le marguiller Dominique GIGUET fasse aussi le clerc, il exigea même qu’il sonne l’angélus tous les jours à midi et qu’il balaye l’église deux fois par mois. Il lui promit, cependant un écu chaque année pour ce travail.

Et puis M. le Curé Colloud écrit : « L’article des accoucheuses, soit Sages-femmes, ne me causa pas moins de peines, que celui du clerc. Pendant les trois premières années, je n’en trouvais aucune, qui voulut faire cette fonction. Les paroissiens d’ailleurs, craignant la dépense, n’y voulaient point consentir, de façon qu’au baptême, j’étais Curé, Clerc et Sage-femme. Après en avoir plusieurs fois exposé le besoin et m’être offert à instruire, celles qui voudraient l’être, je m’avisais en pleine église d’en nommer quatre à savoir : Pour Deça le Char : Bernardine Berthier, femme de Joseph Giguet du Char et à son défaut Jeanne Giguet-Keblet, femme de Dominique Porret. Pour Delà le Char : Pernette Gerfaud-Valentin, femme de Joseph Joguet, et à son défaut l’Antoine Bouchex Bellomié Veuve de Gabriel Bibollet. »

Après avoir instruit et établi les quatre sages-femmes dans leurs fonctions, le Curé Colloud leurs enjoignit encore d’apporter les enfants à l’église, sans doute accompagnés des Parrains et Marraines, pour le baptême. II écrit « A elles d’accorder leur ministère toutes les fois qu’elles en seraient requises, sous peine d’en être responsables devant Dieu, des malheurs qui s’en suivraient, pour s’y être refusées.

Je m’attendais, au sortir de l’église, d’essuyer quelques gueulées de part et d’autre, mais j’eus le bonheur de me retirer dans ma cure, sans que personne ne m’ai adressé la parole. J’ai ainsi paré à de grands inconvénients. »

En 1748 Rd Vittoz demande que le Vicariat soit rattaché au bénéfice Cure. Les paroissiens acceptent à condition que le Vicaire fasse la classe à tous les garçons, pendant quelques mois durant l’année.

Et puis le Curé Colloud fait état de nombreuses calamités et misères (voir Les caprices du temps au XVIIIème). Il en est résulté une grande disette, de gros ennuis, à tel point, qu’il écrit « Si j’avais su de me trouver dans un tel désert, j’aurai préféré vivre et mourir, sous le fardeau vicarial. »

La Révolution arrive en Savoie

Par la suite, le brave Curé dû supporter un fardeau beaucoup plus lourd … celui de la Révolution Française, il dû s’exiler en Valais (voir le livre du Patrimoine n°1). Pendant toute la Révolution, il n’y eu plus d’enseignement ni en français, ni en latin. La langue officielle était le Patois.

Notons que le Contrat de Fondation du Vicariat date du 11 juillet 1651. Pendant la Révolution, l’assemblée constituante à voté le 26 octobre 1792 la nationalisation des biens du Clergé. L’inventaire en fut dressé.

Il comprenait :

  • La maison Presbytérale, c’est à dire le Grangeage du village, achetée par Rd Vittoz en 1753
  • La maison du Vicariat, avec jardin et grenier acheté par Rd Porret en 1700
  • Un grangeage appelé « Chez Vesin »
  • Un grangeage appelé « Les Bugnières ».

Le 28 août 1795, la municipalité prend une délibération faisant observer à l’administration que la maison dite du Vicariat serait très nécessaire pour les séances de la municipalité et pour servir de Corps de Garde.

La vente eu lieu le 31 août 1795 et fut adjugée à Raymond Bibollet, seul adjudicataire désigné, qui par la suite l’a remis à la Commune pour la même valeur. On ignore si la maison du Vicariat faisait partie de la vente. Il est écrit dans les Archives Paroissiales que le Vicariat n’a pas été aliéné durant la Révolution Française, ainsi Etablissement du Culte ; Le Vicaire en repris possession.

Mais, pendant tout le temps où il n’y avait ni curé, ni vicaire, la municipalité, d’après la délibération prise, en fit une chambre consulaire, une salle d’archives.

Le Concordat

Ainsi, après la Révolution, la cohabitation devenait difficile.

D’après divers témoignages tous signés, on affirme : que le Vicaire Sonnerat est revenu enseigner peu de temps, que, à la demande du curé Blanc, un individu de La Giettaz a fait l’école dans la salle des archives, que le curé Vulliet y habitait, y a fait l’école, mais étant seul, il fit venir un instituteur laïc qu’il paya durant deux hivers, qu’il fit placer les archives dans l’église et entrepris de nombreuses réparations jusqu’en 1814.

Enfin en 1824, un vicaire est nommé, il fit l’école au Vicariat, ainsi que tous ces successeurs.

On s’achemine de ce fait vers une détente. Le Vicaire Blanchet assure l’enseignement. Puis, hélas, survient la terrible catastrophe, l’avalanche du 12 janvier 1843, qui fait 13 victimes. (voir notre livre n° 3, pages 56 à 59)

Il s’en suit un élan de solidarité, de générosité qui fait oublier toute discussion sur le vicariat. Le Curé Vulliez ne se remet pas des émotions terribles éprouvées lors de l’avalanche. Il décède en avril 1844.

La jeunesse est de plus en plus motivée pour s’instruire. L’école se fait toujours au Vicariat, dans la pièce qui sert aussi de Mairie, sans poser de problème. L’école pour les filles se trouve dans un local contigü, qui est assurée dès 1845 par Marguerite Porret puis par Félicité Bibollet.

Copie de délibération du 29 septembre 1874 adressée à l’Académie, suite au rapport peu élogieux effectué par l’inspecteur primaire auprès de l’inspecteur de l’Académie, qui oblige le conseil municipal à se justifier sur la tenue des écoles communales, alors situées au Vicariat :

Le Conseil expose,

(concernant l’école des garçons)

  • La salle de l’école des garçons est gratuite. Le traitement du vicaire régent est de fondation en grande partie… La salle, quoique peu élevée, est assez large…
  • En hiver, pendant 4 mois environ, soit du ler décembre au 1er avril, il y a 40 élèves environ : de là jusqu’à l’ouverture des montagnes (montée en alpage) il n’y en a souvent que 10 à 12, et l’été point.
  • La salle servant de mairie, l’école n’est interrompue que 3 ou 4 fois par an et souvent que le matin.

(concernant l’école des filles)

  • La même classe existe pour l’école des filles. Le nombre des élèves est de 40 à 45 pendant les quelques mois d’hiver seulement. Au printemps et en été, le nombre est réduit à 10 ou 12.
  • La salle est froide il est vrai, mais bien élevée et au sec, et par le moyen d’un bon feu, les enfants n’y sont pas mal.
  • La salle au rez-de-chaussée de la maison louée par la soeur institutrice est bien suffisante. Et cela n’est que provisoire en attendant qu’on puisse faire une maison, et il en est question…
  • Depuis 1860 les écoles se pratiquent ainsi à LA GIETTAZ, et les enfants se portent bien !

A l’annexion de la Savoie à la France, l’Académie nomme un instituteur laïc, mais qui ne peut exercer dans un Vicariat. Aussi, c’est le Vicaire Jean-Pierre Brand, en photo ci-dessus, qui continue de faire l’école jusqu’en 1865, année du décès du Révérend Serrasset, regretté de tous ses paroissiens.

Brand

Jean-Pierre Brand est né à Vovray en Bornes le 9 août 1821 et ordonné prêtre le 14 juin 1851. Après avoir été vicaire-régent de La Giettaz, il est nommé curé de cette même paroisse le 1er juin 1865. Il y passa toute sa vie sacerdotale jusqu’en octobre 1906, date à laquelle il se retira chez M. le curé d’Ugine. C’est là qu’il mourut le 29 janvier 1912.

Le Préfet de la Savoie nomme l’Abbé François Angelloz Vicaire de la Giettaz pour faire l’école en remplacement de l’Abbé Gurret, appelé à d’autres fonctions le 20 décembre 1869.

La cohabitation mairie-école dans le même local devient difficile, puis impossible. La polémique s’instaure, avec les municipalités successives et dure plus d’une décennie. Des voix de plus en plus fortes s’élèvent pour dire enfin : « Il y a plus de cinquante ans que de nombreux legs se font, destinés à la construction de l’école. Tous ensemble, retroussons nos manches, comme nous l’avons fait pour construire notre belle église. » Les voix semblent l’emporter…

La construction de l’école

Les Giettois avaient pris conscience de l’utilité de cette nouvelle école, et un grand nombre d’entre eux n’hésitaient pas à faire des dons au profit du futur établissement. C’est le cas par exemple de Noël JIGUET dit CORDONNIER qui, déjà le 6 mars 1829, dans son testament notait : « Je lègue à la future école de La Giettaz la somme de 1000 Livres neuves. Les héritiers ci-après nommés sont chargés de gérer cette somme. Ils devront payer les intérêts annuellement au taux de 4 % au vicaire de la paroisse qui est tenu d’enseigner les enfants mâles de la commune et devront rembourser le capital lors de la construction de la dite école. »

A noter que ce Noël JIGUET dit CORDONNIER était l’oncle de Jean-Louis PORRET de « la Reguette » et le grand oncle d’Etienne PORRET de « Stié démiot »

Et enfin… par délibération du 12 Octobré 1879, le Conseil Municipal décide de construire une Maison : école et mairie ; autorise le Maire (Mr PORRET Pierre-Marie de Sur le Nant) à contacter un architecte pour en dresser les plans et devis. Le 1er Mai 1880, l’architecte d’Albertville Eugène BELLAT présente les plans, devis estimatif et quantitatif, et cahiers des charges.

En Janvier 1881, Porret Claude Jérémie (des Plans) est élu Maire et poursuit donc le projet. La Préfecture approuve le dossier en Octobre 1881 et l’appel d’offre est lancé. Cinq soumissionnaires se présentent, tous d’Albertville ; l’offre de Monsieur BOSAZZA Laurent, consentant un rabais de 3% sur le devis est retenue. Le montant du marché s’élève à 26.428 francs ; les honoraires de l’architecte à 1652,70 francs. Par la suite, on a encore voté, pour travaux imprévus la somme de 1500 francs et approuvé un autre devis de 7.144,91 francs pour travaux supplémentaires.

L’entreprise se mit donc à l’oeuvre au printemps 1882.

Avant le début des tavaux, la Municipalité lance une souscription volontaire pour acheminer les matériaux sur place. Le prix de journée est fixé à 2 francs, soit homme, soit jument. Ainsi 200 journées d’homme et 55 de jument ont été réglées pour une somme de 510 francs. L’entreprise Bosazza conduit les travaux sans interruption. La réception provisoire du bâtiment s’effectue en novembre 1883. Déjà, le 12 Août, on achète le mobilier scolaire et celui des instituteurs.

Budget scolaire de l’année 1880

  • Dépenses : traitement de l’instituteur : 915 francs, de l’institutrice : 900 francs, soit : 1815 francs
  • Recettes :
    • Produit de fondation pour instruction publique des garçons : 668,84 francs, des filles : 256 francs
    • Prélèvement sur le revenu ordinaire commun : 235,30 francs
    • Produit des 4% ordinaire : 123 francs
    • Sur reliquat exercice antérieur : 400 francs

En conséquence, le Département et l’Etat auront à fournir, pour compléter les dépenses générales, une subvention de : 131,86 francs

En date du 2 novembre 1879, le Conseil Municipal demande une subvention pour loger convenablement l’instituteur.

10°C dans la classe… C’est un minimum

Monsieur le Maire,

Messieurs les Conseillers.

Ayant appris, de source autorisée, qu’il était question de nous supprimer notre chauffage personnel, je me permets de venir à mon tour vous faire connaître quelques-unes de vos obligations, au cas où vous seriez décidés à le faire. Vous n’ignorez pas, je suppose, que vous devez fournir pour le chauffage des classes du bois sec et de bonne qualité. Ce bois sera fourni tout scié et prêt à mettre dans le fourneau. De plus, à 7h1/2 du matin, le feu devra être allumé de façon qu’à 8 heures, il y ait au moins 10 degrés de chaleur dans l’école. Vous chercherez une personne qui voudra bien se charger d’abord d’allumer le feu à 7 heures et à midi et demi et ensuite qui se chargera du balayage des classes ; je ne suis pas astreinte du tout à cette dernière corvée ni les enfants non plus… Et puis, ce n’est guère agréable de soulever et d’avaler ensuite des flots de poussière. Ceci dit, à combien s’élèvera à peu près la dépense que cela va vous imposer. Sciage de 4 moules de bois, au bas mot 16 francs. Aiguisage et entretien des outils, cela porte à 20 frs. Compter avec cela les 15 francs que je donne, cela fait 35 francs. De plus la personne chargée d’allumer le feu et d’apporter le bois, sans rémunération convenable de votre part. Vous jugerez donc qu’avec l’argent que vous sera obligés de donner, vous nous chaufferons largement.

Il est bien entendu également que, si vous me supprimez mon chauffage, mes collègues seront traités sur le même pied d’égalité. Nous avons le même travail tous trois, et je ne vois pas pourquoi vous me frapperiez d’une mesure de rigueur que je ne mérite pas.

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Au cas où les choses resteraient comme avant, je donnerai toujours les 15 francs, mais alors, je veux mon nécessaire de bois, parce que vous comprenez bien, Messieurs, que j’en brule un peu plus que Mr BURNET. J’ai acheté également du petit bois. Si vous 1e voulez, je ferai servir ce petit bois à l’éclairage des 2 fourneaux, le mien et celui de l’école, jusqu’au mois de Février. Four Février, Mars et Avril, la commune s’en chargera. Une autre chose : vous serez forcés de limiter le bois. La personne qui apportera le bois ne pourra pas en apporter la quantité juste chaque jour. Il y aura des moments où j’en brulerai moins. Les enfants seront donc exposés à souffrir du froid, et je suis certaine que si, parmi les Conseillers, il y a des pères de famille soucieux de la santé de leurs enfants, ils n’hésiteront pas à trouver ridicule et dangereux cette distribution journalière du bois dans un pays où l’hiver est si long et si rigoureux, et où, également, le bois ne cotte pas grand chose. Si parfois il arrivait qu’à 3 heures ou 3 heures 1/2 de l’après-midi ma provision de bois soit épuisée, les enfants s’en iront chez eux.

Vous examinerez toutes les raisons qua je vous ai données, et vous verrez avec moi qu’il vaut mieux s’arranger à l’amiable, que de créer des difficultés occasionnées par la satisfaction d’un amour propre mal placé ou de rancunes injustifiées et qui n’ont pas leur raison d’être.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Maire et Messieurs les Conseillers, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

L’Institutrice de la Giettaz (de 1902 à 1905)

Madame GUILLOT

P.S. Je n’ai plus de bois que pour 3 jours. Absolument, il faudra m’en amener jeudi, mais ne pas tarder plus longtemps que jeudi.

La Loi Jules Ferry : 1881 1882

L’effort de la IIIème République porte surtout sur l’enseignement primaire. La gratuité et l’obligation scolaire entraînent la construction de nombreuses écoles, dans toutes les communes au chef-lieu et dans les hameaux.

En février 1884 le traitement annuel de l’instituteur et de l’institutrice est fixé à 900 francs pour chaque classe. Par la suite, le Conseil Municipal loue le « Vicariat ». En Mai 1885 s’effectue la réception définitive de la Mairie-Ecole. Le décompte total des dépenses s’élève à 33917,52 francs

M. Burnet : sa carrière à La Giettaz

Et enfin, arrive, en 1882 Mr Burnet-Fauché Jean originaire de St Nicolas la Chapelle qui assura ses fonctions jusqu’en 1919. Outre la charge de l’école des garçons, il a donné bénévolement des cours pour les adultes et a assuré temporairement le secrétariat de Mairie.

Burnet

Monsieur BURNET-FAUCHE Jean, instituteur, est né le 6 Avril 1854 au lieu-dit « Sur les Rochas » ; neuvième enfant d’une famille de dix, il est l’arrière grand-oncle d’Edmond BURNET-FAUCHE, président du « Foyer rural » de Saint Nicolas. Ce dernier a eu l’amabilité de nous transmettre ces renseignements et ceux qui suivent, nous l’en remercions vivement.

Après des études secondaires et son diplôme en poche il rejoint pour sa première année d’enseignant l’école d’Aiguebelle (Savoie).

Célibataire, il exerça ses fonctions d’enseignant à la Giettaz, souvent une de ses soeurs, célibataire également venait l’y rejoindre.

Très rigoureux et ordonné, il se plaisait à répéter à ses élèves : « Les enfants, sachez bien que dans la vie, il faut une place pour chaque chose et chaque chose doit être à sa place ».

L’école des filles

Le « vicariat » fut aggrandi afin d’y établir une école pour les filles. Ainsi, dès 1838 une Giettoise (non nommée) s’occupe de l’instruction des filles du village. A partir de 1845 Marguerite Porret et Félicité Bibollet (peut-être formées ?) sont nommées à sa place.

En 1867, le Conseil Municipal sollicite les soeurs de la Croix pour assurer cette tâche. Mais elles furent contraintes d’abandonner leur poste en 1902 suite à la loi concernant la laïcisation.

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Photo prise par Gabriel PORRET, en souvenir du départ des Soeurs le 31 octobre 1902

L’école du Plan

L’école mixte du Plan fut projetée en 1873.

Extrait des notes de l’abbé Jiguet :

La Giettaz est une longue vallée de 8 à 9 kms. Comme l’église et les écoles sont situées au bout de cette vallée, il en résulte que les enfants des quartiers les plus distants ne peuvent pas acquérir une instruction suffisante.

Vu le trajet d’une heure et demie à deux heures qu’ils ont à parcourir. Vu la quantité de neige de 2m à 2m50 et les tourmentes affreuses qui y sévissent fréquemment pendant l’hiver.

Comme la plupart des habitants de cette paroisse s’expatriènt pour aller gagner leur vie dans les grandes villes, ils ne peuvent, vu leur manque d’instruction, espérer que les places les plus humiliantes, les plus pénibles et les moins lucratives.

Une école de hameau, située au milieu de ce long trajet obviera à ces inconvénients.

Telles sont les raisons qui ont inspiré cette école que les habitants des quartiers les plus reculés désirent avec tant d’ardeur. Le Conseil départemental de l’instruction publique s’est empressé d’en autoriser l’ouverture le 5 juillet 1873 ainsi que l’avait demandé le Conseil municipal de La Giettaz le 14 mai de la même année.

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Né à La Giettaz le 31 janvier 1836, il est ordonné prêtre le 10 juin 1865. Vicaire à Crest-Voland en 1865, puis à Seythenex en 1871, à Morillon en 1872, à Evires en 1873 et à Alex en 1874. Curé de St Blaise en 1877, de Clarafond en 1881. Le 23 octobre 1895, il se retire à Monthoux et décède le 27 avril 1912. Fondateur de la chapelle et de l’école du Plan.

L’école fut construite en 1878 par l’abbé Jiguet avec l’aide des habitants.

Certificat de reconnaissance délivré par le maire, autorisant les dons pour l’école du Plan :

Je certifie que les habitants de cette localité pressée par le besoin d’une école ont fait l’année dernière sous les ordres et la direction RD Mr le Curé JIGUET natif de ces parages, de grands sacrifices pour approvisionner les matériaux pour élever les murs d’une maison à cette fin.

L’an 1878 est passée la convention entre RD Curé JIGUET et Jacques PATRITTI, habitant à Megève, qui s’engage à faire le travail de maçonnerie de la dite école. Prix des maçons robustes et habiles, quatre francs trente centimes chacun par jour. Les porteurs de mortier seront à deux francs soixante quinze centimes.

Auparavant en 1877 Mr Thomas SARTORIS se chargeait de tailler les pierres des trois portes et onze fenêtres pour le prix de cinq francs le mètre linéaire. La pierre sera du granit appelé vulgairement pierre de chien.

(JPEG)

Grace aux emprunts qu’a du faire Rd Mr le curé JIGUET, une maison a été construite ; mais, je dois certifier, quoique avec douleur, qu’il est impossible à ces devoués administrés de faire face aux dépenses qu’exigent et l’achévement de la maison, et l’accomplissement de l’oeuvre bienfaisante qu’ils ont entreprises. Vu que la plupart des habitants de ce quartier est fort peu à l’aise, qu’elle a déjà fait de grand sacrifice pour les travaux de la maison, et qu’elle se propose de fournir un traitement à l’institutrice ainsi que son mobilier ;

Vu que le Rd Mr le curé JIGUET est privé de ressources ; qu’il a fait de grands sacrifices et de grands emprunts pour cette fin, et que de plus, il occupe un petit poste de 150 personnes où son traitement suffit à peine pour son entretien ;

Vu que la commune ne peut leur venir en aide actuellement, parce qu’elle a de grandes dépenses à faire : et pour l’acaht du terrain de la route qui est en construction, et pour les maisons d’écoles qui sont à construire au chef-lieu.

En signalant ce besoin urgent aux personnes charitables et dévouées, je leur procure l’occasion d’exercer un grand acte de charité ; car elles travailleront à la conservation de la santé des enfants, et leur procureront une instruction suffisante qu’il leur est impossible d’acquérir.

En foi de quoi

La Giettaz, le 20 février 1879

Le Maire PORRET

Engagement des habitants du Plan :

« L’an mil huit cent quatre vingt trois, le vingt cinq octobre,

Nous soussignés, pères et chefs de famille des Plans et des parages voisins nous engageons à payer régulièrement chaque année à qui de droit, pendant quatre ans la somme souscrite par chacun de nous, pour former et complèter le traitement de l’institutrice qui dirigera la susdite école, de manière à n’empiéter en rien sur les fonds des écoles communales du chef-lieu… »

La première institutrice de l’école du Plan, Mlle FAVRE Albertine, est nommée le 21 mars 1887.

Fréquentation de l’école du Plan :

  • 17 élèves en 1901
  • 16 en 1923
  • 41 en 1944
  • 15 en 1966
  • 14 en 1951
  • 10 en 1956
  • plus que 5 en 1978

L’école ferma en juin 1978.

Les derniers élèves et leur institutrice :

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