C’était un soir de pleine lune comme on en voit rarement, une belle nuit étoilée qui invite à la promenade ou aux veillées. Le silence profond et reposant n’était troublé que par le bruit continu du Nant du Freu qui passe à proximité. Cette nuit-là, un homme vêtu de noir, et apparemment chargé, gravissait à pas lents et réguliers la pente raide, en amont du « Métan ». C’était POENCET de « Critin » qui rentrait chez lui.
« Critin » se trouve au-dessus du Plan, sur le sentier de Croisse-Baulet ; bien que située à 1450 mètres d’altitude et à environ trois heures de marche du village, cette maison était un « dava », c’est-à-dire une ferme occupée toute l’année.
Ce chemin, POENCET l’avait parcouru plus d’une fois, et la distance ne lui faisait pas peur. Mais ce soir-là, c’était différent ; il rentrait de noces, content, certes, d’avoir pu faire danser les mariés et sa famille avec son violon, mais épuisé. Les jambes alourdies par l’excès du bon vin, il n’avait qu’une envie : se coucher au plus vite sur sa paillasse et profiter des dernières heures de la nuit. Il ne comptait pas s’attarder en chemin, d’autant plus qu’il n’était pas rassuré ; il avait aperçu une ombre, tout à l’heure, à « la Pechette » (source en amont du « Métan »), et à présent, des bruits suspects ne lui laissaient rien présager de bon. Et si c’était un loup ? Ces sales bêtes n’étaient pas rares dans le coin, et notre homme savait bien qu’ils nichaient à « la Vézè » (près du col de l’Avenaz).
Le violoneux, se retournant, aperçut un énorme loup qui le regardait, la langue pendante et dégoulinante. « Comment vais-je m’en tirer ? » se disait-il, en réajustant sa musette sur l’épaule. C’est alors qu’il pensa aux rissoles (genre de petits chaussons aux pommes) et aux quelques restes de la fête qu’il avait rapportés. II ouvrit son sac de toile et donna, une à une, ses victuailles au loup, en prenant soin d’accélérer la marche. Hélas, ses provisions furent épuisées avant qu’il ne soit arrivé.
« Je n’ai plus qu’à me défendre à coups de pierres ou de bâton » se disait-il. Et dans son affolement, il trébucha sur un énorme caillou. En se baissant pour le ramasser, il fit tomber le violon de son étui. Dans sa chute, l’archet effleura les cordes de l’instrument et produisit un son strident. Le loup demeura un instant pétrifié de peur. L’homme se mit alors à jouer du violon et le loup, n’appréciant guère cette musique, s’enfuit en toute hâte, la queue entre les pattes.
Moralité : La vie ne tient qu’à un fil… ou plutôt, à une corde… une corde de violon !
Cette jolie histoire, chacun se l’accapare… Si « de lë l’char » (du côté du Plan) on dit que cette aventure est arrivée à un POENCET de Critin, « de së l’char » (du côté du village et des Aravis) on affirme que ça s’est passé à Foiroux.