Le deuil
Lorsqu’il y avait un décès dans une famille, il était nécessaire de marquer le deuil par des signes visibles tels que :
- lampe voilée et sonnailles des troupeaux retirées
- horloge arrêtée pendant la présence du mort dans la maison
- ruban de crêpe noir sur le rucher si le défunt était apiculteur.
La famille du défunt portait des vêtements noirs pendant un certain temps :
- 3 ans pour un père, une mère ou un conjoint
- 1 an pour un frère ou une soeur
- 6 mois pour un parrain ou une marraine.
Les habitants du village étaient prévenus du décès par le glas. C’est encore vrai aujourd’hui : Si celui-ci s’achève par la grosse cloche, il s’agit d’un homme, si c’est la petite cloche c’est une femme.
Les préparatifs pour la sépulture
Les voisins les plus proches, mais non parents, se rendaient au domicile du défunt pour faire sa toilette et pour fabriquer le cercueil. Les planches étaient fournies par la famille. En cas de décès d’un enfant, c’était son parrain qui se chargeait de ce travail. On habillait le mort avec ses plus beaux vêtements.
Le défunt n’était jamais laissé seul : la famille faisait appel à de préférence parmi les plus nécessiteuses, pour veiller le défunt moment de sa mort jusqu’à sa sépulture. C’était un homme pour un défunt, une femme pour une défunte. On l’appelait le « r’vetchu » (revêtu) car on lui donnait, en récompense, un habillement complet ayant appartenu au défunt, et un chapelet afin qu’il prie pour lui.
La veille de la sépulture, il y avait des prières à la maison (le plus souvent on récitait le Rosaire, c’est-à-dire 15 dizaines de chapelet), et le souper était offert aux porteurs et aux proches parents (soupe de lard avec farcement). Les obsèques avaient lieu généralement trois jours après le décès. On était sépulturé au cimetière du village où le clerc était chargé de creuser la fosse (Il était redevable de cette charge, comme celle de sonner l’Angélus, du fait qu’il occupait la ferme communale). Dans les temps anciens, quand l’hiver trop rigoureux ne permettait pas l’enterrement au cimetière, les défunts étaient sépulturés dans l’église. Lorsque le Plan était encore rattaché à la paroisse de Megève, et qu’il n’était pas possible de s’y rendre à cause de la neige, le cercueil attendait le printemps, au frais, derrière le « starfu » (cheminée).
La sépulture
Le jour de la sépulture, le cercueil était attaché à deux barres posées sur les épaules de deux porteurs ou « portyu ». Le défunt était ainsi transporté, de la maison jusqu’à l’église. Cette charge était lourde et quatre « portyu » étaient nécessaires pour permettre le relais en cours de route. C’était généralement les voisins qui avaient fait le cercueil, qui se chargeaient de cette besogne. Une besogne exténuante qui justifiait bien le dicton : « Les morts tuent les vivants ! ». En hiver, on descendait le cercueil sur la luge fenatière.
On partait de la maison en cortège : En tête la croix, voilée de crêpe, portée par une personne de même qualité et de même âge que le défunt, et le « r’vetchu » muni d’un cierge. Le cercueil était suivi par les membres de la famille. Quelques uns portaient un cierge, mais tous avaient un signe distinctif : un morceau de crêpe sur la poitrine. Les hommes avaient le plus souvent un brassard noir. Les femmes portaient un bonnet noir, non pas garni de dentelles mais de rubans de crêpe puis, plus récemment, un chapeau recouvert d’un léger voile noir, et ceci jusque dans les années 1958. Le voile était maintenu sur le visage, le jour de la sépulture, et les trois dimanches suivants. Une veuve n’assistait pas à la sépulture de son mari ; elle restait à la maison avec une voisine.
En arrivant au village, le curé et les enfants de chœur se joignaient au cortège, tandis que sonnait le glas. La « goutte » ou eau-de-vie était distribuée aux porteurs car ils avaient eu parfois une ou deux heures de marche, et l’église n’était pas chauffée. A partir de 1928, le corbillard tiré par une jument a remplacé les « portyu », du moins là où l’accès le permettait.
En entrant dans l’église, les proches parents recevaient, s’ils n’en avaient pas déjà, un cierge qu’ils allaient placer de chaque côté du cercueil et qui restaient allumés durant la messe. Depuis 1912. le cercueil était posé au chœur sur le catafalque.
Quand il s’agissait le la sépulture d’un enfant de moins de 7 ans, on disait qu’il avait un « enterrement d’ange » : on sonnait le carillon, le cercueil était recouvert d’un voile blanc, garni de fleurs d’oranger, et le deuil n’était pas porté. Lorsqu’un bébé, né hors mariage, venait à décéder, il était enterré de nuit, en catimini, et sans sonnerie bien évidemment.
Après l’inhumation
Après la sépulture, une aumône était distribuée aux pauvres qui avaient assisté à la messe. Elle s’effectuait selon les dernières volontés du défunt et était toujours définie dans le testament. On donnait généralement du sel, du pain, un bichet de soupe de pois ou un morceau de fromage…
Un casse-croûte « au café du coin » rassemblait la famille, les porteurs et les éventuels parents venus d’ailleurs. La famille du défunt avait pris soin, au préalable, d’apporter pain, beurre, tomme, pour permettre cette collation.
Huit jours après la sépulture, avait lieu la messe de « mise en anniversaire ». Pendant une année, on avait une attention particulière pour les personnes récemment décédées Chaque dimanche, exceptés les jours de fêtes, avant que la messe ne commence, on priait spécialement pour eux. Tous les morts de l’année en cours étaient représentés par un membre de leur famille, qui se tenait debout, devant la table de communion, avec un cierge allumé, tandis qu’on chantait l’Absoute. Au bout d’un an, avait lieu la messe de « fin d’anniversaire ».
Quelques dictons sur la mort
« S’ya on mour su la pou la dmanze, yen n’èra dou zâtre dian la snan’na ke chui »
S’il y a un mort sur la « pou » le dimanche (sur la « planche », c’est-à-dire : non encore inhumé) il y en aura deux autres dans la semaine suivante.
« Se le mour é pâ rè an le betan en biérâ, é mové sene Kakon de la famelye riske de moda pâ lontan apré »
Si le mort n’est pas raide au moment de la mise en bière, c’est mauvais signe Quelqu’un de la famille risque de mourir peu de temps après.