Autrefois, on effectuait la lessive deux fois par an, au printemps et à l’automne. On comprend pourquoi les trousseaux devaient être abondamment garnis.

Pour les femmes, c’était un travail important puisqu’il s’étalait sur un minimum de trois jours, choisis de préférence en dehors des périodes de gros travaux.

Certaines femmes du pays avaient la spécialité de « faire la bouille » et étaient embauchées dans les familles qui ne pouvaient accomplir ce travail. Le prix de la journée pouvait être équivalent au prix d’une journée d’homme.

Les hommes allaient chercher « la Zerle », remisée généralement à la grange, et l’installait au « dedian » (cuisine), sur un trépied. Ce gros cuvier, utilisé essentiellement pour la lessive, avait la particularité d’être percé à la base pour permettre l’écoulement du lissieu. Le trou était bouché le plus souvent par une cheville ou par un robinet de bois. « La chaudière », destinée à chauffer l’eau, était disposée à proximité.

Après avoir sorti et trié le linge sale, les femmes préparaient le lissieu ou « lanchui ». Elles mettaient au fond du cuvier, sur des traverses disposées en forme de croix pour faciliter l’écoulement du lissieu, un sac de grosse toile rempli de cendres qu’elles avaient pris soin de conserver tout au long de l’année. On utilisait de préférence des cendres de fayard ou de frêne, en tous cas, jamais des cendres provenant de la combustion de bois pourri car on aurait obtenu un lissieu de mauvaise qualité. Le sac était recouvert d’eau bouillante, et c’est au toucher que les femmes reconnaissait l’état du lissieu.

On prélèvait une partie de ce lissieu pour faire tremper le linge, toute une nuit, dans des « tenè », genre de grosses bassines en bois. Plus récemment, on utilisait des cristaux de soude pour le trempage.

Le travail suivant, le plus pénible, consistait à « dégrossir » le linge. Il était plus aisé de l’effectuer au bassin, mais on pouvait aussi le faire sur place : Draps, torchons, chemises passaient tour à tour sur « le laviu » ou planche à laver pour être prélavés à la brosse de chiendent et au savon, puis, au fur et à mesure, étaient disposés dans le cuvier. On commençait par le linge le plus sale de façon que celui-ci soit mis, en premier, au fond du cuvier. Un peu d’eau était rajoutée si la quantité n’était pas suffisante. Avant de mettre le linge, on avait pris soin de placer au fond du cuvier, tout contre l’ouverture, « le zovaton » (machoire inférieure du porc, choisie pour sa forme conique) pour éviter l’obstruction du conduit.

Cette première étape terminée, on pouvait commencer à « couler » la lessive. Après avoir enlevé la cheville qui retenait le lissieu, on récupérait ce dernier dans « un govè » (récipient en bois à deux poignées) pour le faire chauffer dans « la chaudière ». Celui-ci était ensuite déversé sur le linge au moyen de « la poste du lanchui » (grosse louche en bois servant exclusivement à puiser le lissieu) ou de « la sèille du lanchui » (petit récipient en bois muni d’un long manche). On renouvelait cette opération jusqu’à ce que le lissieu, sortant du cuvier, soit bouillant. A la suite des passages successifs de l’eau, la potasse contenue dans la cendre était dissoute et le lissieu devenait de plus en plus actif. Une journée ou une nuit était nécessaire pour cuire un bon cuvier.

Le lendemain matin, le linge était apporté au bassin dans lequel, après avoir été tapé et serré, il était mis à rincer sous l’eau courante pendant une partie de la matinée. Dans les temps les plus anciens, on utilisait pour ce travail « le maliè » ou battoir.

Le linge le plus délicat (chemises, sous-vêtements…) était retiré en premier et passé au Bleu. Ce produit, extrait de la houille, avait la propriété de désinfecter et de raviver le linge quelque peu jauni par le lissieu.

La dernière étape, la plus agréable, était l’essorage et le séchage du linge. Il fallait tendre le plus de cordes possible, tout autour de la maison, pour pouvoir faire sécher dans de bonnes conditions cette importante lessive que l’étendage de « la loze » (balcon) ne pouvait contenir. Les draps étaient essorés à deux, par torsion, puis secoués et étirés avant d’être étendus sur le fil. Quelquefois, au printemps, quand le temps s’y prêtait, les draps ou torchons étaient mis à sécher à même le sol, sur l’herbe tendre.

Ce procédé de lessive était utilisé pour le linge de coton ou de lin. Les vêtements plus délicats (lainages, pantalons, jupes…) faisaient l’objet de lessives « au remou’u » c’est-à-dire de petites lessives occasionnelles, au savon. On utilisait aussi le Bois de Panama. Pour leur redonner tout leur éclat, les vêtements noirs pouvaient être trempés dans une décoction de lierre (Soeur Elise BIBOLLET utilisait cette recette pour laver les soutanes).